Une bâche publicitaire pour reconstruire Notre-Dame de Paris ?
Depuis 2006, la loi autorise les marques à s’afficher sur les monuments historiques afin d’en financer la rénovation.
Plus coutumières des foires professionnelles, où elles vêtissent de leur envergure stand de salon et façades vitrées – celles des parcs d’exposition et des palais de congrès – les bâches publicitaires investissent aujourd’hui le patrimoine français à travers des opérations de sponsoring de plus en plus nombreuses qui, ici ou là, unissent pour la bonne cause l’image d’annonceurs aux vieilles pierres des monuments nationaux. L’opportunité de convoquer cette forme spectaculaire et ostensible d’engagement mécénal, fondé sur une contrepartie économique dénuée de toute ambiguïté, a opinément surgi dans le débat consécutif à l’incendie de Notre-Dame de Paris le 15 avril dernier. Faudra-t-il faire appel aux marques et à leur arsenal marketing pour financer la reconstruction de l’édifice religieux, un moyen déjà utilisé par la DRAC (Direction régionale des Affaires Culturelles) dans des projets de restauration antérieurs menés au palais de justice (Quai des Orfèvres, face à la cathédrale)*-, mais aussi au Musée d’Orsay, à l’Opéra Garnier, et aux églises de La Madeleine, Saint-Augustin et Saint-Eustache ? A priori, le succès de la conscription lancée par l’Etat pour lancer le chantier (près d’un milliard d’euros de promesses de dons) dissipe l’hypothèse d’un recours à cette manne publicitaire débloquée par voie d’affichage géant.
Jusqu’à 120 000 euros par mois
Dans le contexte actuel de restrictions budgétaires, ce type d’installation commerciale apparaît comme une alternative crédible au financements publics et confine parfois au jackpot, non sans susciter des réserves parmi ceux qui, par principe et purisme, souhaitent prémunir le patrimoine, a fortiori lorsqu’il est « sacré », des forces du marché: l’an dernier, la Caisse des Dépôts des Territoires situait le montant de ces revenus publicitaires dans une fourchette comprise « entre 20 000 et 120 000 euros par mois », selon l’emplacement et la taille des espaces définis sur les échafaudages. Le gain engrangé est d’autant moins négligeable que les chantiers concernés s’étendent généralement sur de très longues durées, souvent plusieurs années.
Que dit la Loi ? Tout est parti d’une dérogation introduite dans la Code du patrimoine en 2006. Le texte autorise à recouvrir d’annonces les bâches de chantier utilisées sur les bâtiments classés en réparation. Cette mesure, valable dans les villes de plus de 10 000 habitants, nécessite l’aval des autorités municipales, mais le centre des Monuments Historiques a aussi le pouvoir de bloquer le projet : en 2014, l’institution avait refusé qu’on appose une toile publicitaire sur le dôme du Panthéon qui entrait alors en phase de restauration.
Lorsque le principe d’affichage est accepté, plusieurs conditions sont à respecter : les recettes pub sont à affecter intégralement à la rénovation du monument, l’affichage ne peut excéder plus de la moitié de la surface totale de la bâche et la durée de l’opération est circonscrite à celle de l’utilisation effective des échafaudages.
*Une bâche record de 775 m² avait été déployée à l’effigie d’Apple