Publicité : Peut-on tout écrire et tout montrer ?
En plus des lois, les annonceurs français doivent composer avec un code d’éthique fixé par l’ARPP (Agence de régulation professionnelle de la publicité). Décryptage.
Dans le registre de la publicité, comme dans celui, plus vaste encore, de la communication visuelle, il n’est pas rare que la liberté de création se heurte au mur de la morale publique. En France, ce cadre normatif est entre les mains d’une instance de régulation privée –l’Arpp – dont le mode d’intervention se fonde sur une logique auto-disciplinaire : elle pose notamment le principe que les professionnels du secteur sont suffisamment responsables pour déterminer où s’arrête la frontière de la bienséance devant tout ce qui, à l’inverse, présente un caractère potentiellement répréhensible au regard de la législation nationale. Pour les y aider, l’association réactualise à leur intention une série de recommandations réparties en deux thématiques, « transversales » pour les dispositions générales et « sectorielles » pour chaque grande filière identifiée. Chacun de ces chapitres est complété d’un avis émis par le Conseil d’éthique publicitaire (CEP) et le Conseil paritaire de la Publicité (CPP), deux organismes affiliés à l’Arpp. Que disent ces textes applicables à tous les supports médiatiques, affichage, radio, presse écrite, internet et PLV(Publicité sur le lieu de Vente) ?
Ne pas dévaloriser les femmes
Il est difficile de synthétiser un code qui comprend plus de 250 pages. Néanmoins quelques exemples, parmi les plus évocateurs, se rapportent à des notions devenus très sensibles. Citons le cas de la nudité féminine vue, dans certaines situations, comme une forme de sexisme ordinaire: à ce sujet, l’Arpp rappelle, sans se prononcer pour autant en faveur d’une interdiction générale, qu’il convient de veiller à ce qu’un corps représenté dans son plus simple appareil ne puisse être envisagé comme une image « avilissante et aliénante et a fortiori ne réduise pas la personne à un objet». L’agence souligne également que la publicité n’a pas à valoriser de stéréotypes propres à suggérer « l’infériorité d’une personne en raison de son sexe(…) ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société» (article 2.2). Pas plus qu’elle ne doit véhiculer « toute idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes » (4.1).
La Grande-Bretagne plus sévère contre la pub sexiste
Ces considérations ont trouvé des échos dans l’actualité récente : en 2017, Le Conseil de Paris a signé un accord avec un diffuseur en vue d’interdire dans la capitale le placardage de publicités délivrant un message sexiste ou discriminatoire*. De l’autre côté de la Manche, le gouvernement britannique est encore allé plus loin en élargissant à l’ensemble du pays – dès 2019 – cette mesure déjà adoptée par la ville de Londres.
Sur les questions alimentaires, peu de consommateurs savent qu’en théorie (en pratique, la règle est très souvent bafouée notamment sur Internet), les annonceurs n’ont pas le droit de mettre en scène une personne qui se nourrit devant un écran, afin de « ne pas présenter le grignotage comme une pratique substituable à un vrai repas» (1/3 b, page 59).
Mais l’Arpp ne se contente pas de donner son avis sur le fond des messages publicitaire. Elle s’intéresse aussi à la forme et énonce, dans ce domaine, d’autres recommandations déontologiques, notamment sur le vocabulaire à employer, la façon dont il convient d’afficher les prix ou les bonnes pratiques à observer dans la communication commerciale.
*Malgré ces précautions, des dérapages surviennent encore, comme en témoigne la récente polémique déclenchée par une publicité à l’effigie d’une marque de lingerie : la bâche, déployée sur la façade des Galeries Lafayette à Paris, montrait des fesses féminines revêtues d’une simple petite culotte. Sous la pression de la Municipalité, l’affiche avait finalement été retirée.