L’objet publicitaire, jackpot pour les candidats à la présidentielle ?
A deux mois du premier tour de scrutin, les mugs, t-shirts, casquettes, porte-clé et autres savonnettes entrent dans le jeu politique. Au-delà de leur impact visuel, et des traits humoristiques dont ils sont le véhicule et le support, avec plus moins de bonheur, les goodies représentent une manne financière non négligeable pour les prétendants déclarés à l’Elysée.
Dès que le tocsin de la bataille électorale retentit, ils s’écoulent par millions et suivent comme leur ombre les gros candidats qui battent la campagne dans les rues, les marchés ou les salles polyvalentes.
De Gaulle, timide précurseur du goodie politique
L’objet publicitaire, désormais bien installé dans les mœurs de la démocratie tricolore, n’a rien perdu de son pouvoir médiatique depuis que Charles de Gaulle l’a expérimenté à très petites doses en 1958 pour vendre son image et son message auprès du grand public à travers des badges et des portes-clé figurant des croix de Lorraine. L’homme de l’appel du 18 juin, finalement assez hermétique au marketing politique à l’américaine, importé des Etats-Unis par le pionnier de la communication moderne Michel Bongrand, également promoteur de la série James Bond dans l’Hexagone, ne renouvela pas l’opération lors de l’élection au suffrage universel de 1965, et laissa un de ses concurrents Jean Lecanuet prendre le virage du « goodie politique », au risque de se faire doubler sur le terrain de l’innovation.
Les accessoires publicitaires distribués en masse aux meetings du « Kennedy français » valut à ce dernier d’être la cible d’attaques moqueuses de la part des partisans du Général qui le qualifièrent de « candidat savonnette » et de « baril de lessive ». Revers de médaille : la marque commerciale « La Vache qui Rit » avait poussé l’audace et la provocation jusqu’à représenter le très orthodoxe président de la République au verso d’une série de boîtes de fromage qu’elle avait lancées sans l’accord de l’intéressé, ce qui avait provoqué un mini-scandale dans les murs de l’Elysée.
L’objet publicitaire, un business pour les candidats
60 ans plus tard, la formule ne choque plus et reste un valeur sûre des périodes électorales : lors du scrutin présidentiel de 2017, Frédéric Dosquet, auteur de l’ouvrage « Marketing et communication politique » (éditions EMS), avait comptabilisé « un nombre supérieur d’objets publicitaires par rapport à 2012 », malgré la concurrence d’autres formes de communication, sur le web notamment. C’est la preuve, selon lui, d’une « demande forte ». Source de profits ?
La vente de gadgets promotionnels, marqués à l’effigie d’une personnalité politique et du parti ou mouvement qu’il représente, est une des sources de revenus potentiellement mobilisables par les équipes des candidats, conformément à ce que prévoit la Loi sur le financement privé et public des campagnes. Pour Frédéric Dosquet « la marge bénéficiaire est importante sur certains produits ».
Les supporters l’ont bien compris qui ouvrent des boutiques en ligne sur les sites internet réservés à leurs champions : tee-shirt logoté, bracelet, mug, stylo publicitaire, badge, tote bags, bloc-notes et autres chargeurs de batterie y sont mis en vitrine, à des prix relativement élevés. Pour quels retours sur investissement ? Les candidats restent généralement discrets sur la question.
En 2017, les équipes du candidat Fillon avaient tout de même livré une tendance, soit un chiffre d’affaires 4 000 euros pour un petit meeting et 20 000 euros pour un grand ». Et, à l’arrivée des bénéfices amoindris par la règle plus coûteuse du Made in France à laquelle les organisations militantes s’astreignent pour d’évidentes raisons de crédibilité. Bref, les revenus encaissés au global ne suffiraient pas à couvrir la location d’une salle et les dépenses techniques nécessaires à évènement aussi grandiose qu’une grande réunion publique.
En vérité l’intérêt est ailleurs : « l’objet publicitaire permet de travailler la notoriété du candidat et de démontrer au grand public, l’intensité de l’attachement que ses soutiens lui portent » souligne Frédéric Dosquet. Et d’ajouter que dans une salle de spectacle, « le fait de porter le même tee-shirt à l’effigie d’un candidat ou de déployer des couleurs communes donne une impression de puissance et d’union qui permet aux équipes de campagne de donner une autre dimension aux images d’un meeting ».